lundi 22 novembre 2010

LE PRÊTRE PEUT IL AUSSI FAIRE LA POLITIQUE



La motivation d’une telle intervention et réaction nous a été inspirée d’abord par nos concitoyens, nos frères et sœurs dans le Christ et aussi par telle ou telle affirmation d’un individu? par rapport aux prêtres qui prennent parfois la parole ou la position face à la situation Socio-politique de leur pays, de notre pays.

Dans nos propos, nous allons essayer avant tout de définir la politique, préciser la mission et la position de l’église ensuite la fonction du prêtre par rapport la politique.
A cet effet, nous voudrions,de prime abord, nous rappeler que notre pays est un pays laïc
(cf. Art. 1 de Constitution de la République du Tchad) et que nous ne soustrayons aucune autre religion du pays ni nous n’avons aucune autre intension de propos discriminatoire à l’endroit de qui que ce soit.
Nous voudrions tout simplement donner notre avis comme chrétien d’abord et comme prêtre de l’église catholique romaine. Nous osons donner notre opinion grâce au droit de libertés d’opinion et d’expression telles que stimulées à l’article 27 de notre Constitution :

« Les libertés d’opinion et d’expression, de communication, de conscience, de religion, de presse, d’association, de réunion, de circulation, de manifestation et de cortèges sont garanties à tous…. »

  1. Qu’est ce la politique ?
Politique du latin, politicus et l’adjectif politikos, de la cité est un mot polysémique et très complexe quant à son emploi, qu’il faut chercher toujours à redéfinir et à comprendre dans le contexte où il est employé. Ainsi donc selon le Petit Robert, Dictionnaire de la langue française, dans le premier le sens du mot, il définit politique comme quelque chose relatif à la cité, au gouvernement de l’Etat, à la société organisée. Dans un deuxième sens politique signifie aussi art et pratique du gouvernement des sociétés humaines, entendons par sociétés humaines Etat, nation. Politique peut aussi signifier diplomatie.
D’après Leonardo Boff un des pères de la théologie de la libération, la politique désigne toute activité destinée à l’administration ou à la transformation de la société à travers la conquête de l’exercice du pouvoir étatique. Un autre auteur abonde dans le même sens et affirme que la politique renvoie à un programme ou à un projet de société devant être exécuté en vue du bien commun. Et ce type de politique serait propre aux partis, aux syndicats, au gouvernement de l’administration publique.
La politique serait donc d’après la récapitulation de ces différentes définitions, une recherche du bien commun, de la dénonciation de la corruption, de la promotion de la justice et des droits de l’homme. Nous voyons là le vaste champ de la politique qui embrase des activités sociales, caritatives, culturelles. Cette conception de la politique est bien antérieure aux partis et aux structures étatiques et aux projets et formes de gouvernements des pays du monde. C’est justement cette conception large et positive qu’avait le philosophe Aristote de la politique quand il définissait l’homme comme un « animal politique ».
Cette conception ou ces conceptions de la politique sont loin d’être négatives comme le conçoivent beaucoup de Tchadiens. Il est regrettable d’écouter à la longueur de la journée les Tchadiens  utiliser cette expression dans le sens péjoratif, dans sa conception et dans son emploi, « faire la politique ». Cela se dit d’une personne aime la médisance, raconter des calomnies sur les autres pour ses intérêts personnels et égoïstes. Il est vraiment malheureux de constater qu’il n’y a que ce seul sens de politique qui puisse existe dan le langage tchadien de l’homme de la rue.
Mais il y a toute une histoire, toute une historique de ce mot. Si les gens, du moins les Tchadiens conçoivent comme tel la politique c’est qu’il y a une part de vérité là dedans. Referons-nous à l’histoire de notre pays, depuis la première république jusqu’à nos jours et nous verrons que c’est vrai, il y a une certaine négativité de la politique.
La politique qui ne s’appuie pas sur les valeurs éthiques, spirituelles et humaines s’expose à des dérapages graves. Ce serait la politique pour la politique, c’est à dire tourner le dos aux valeurs morales et spirituelles comme le souci des faibles et des pauvres, la vérité, le respect du bien commun, la transparence, le service désintéressé, la justice, la paix. Toutes ces valeurs, Jésus a enseignées.


  1. Jésus et la politique de son époque
Jésus est né dans une société juive où il y avait une forte tension entre les pauvres et les riches, les purs et les impurs. Devant cette situation confuse Jésus, lui prônait la réconciliation, le pardon et l’accueil du prochain. Même devant les envahisseurs romains Jésus prônait plutôt la cohabitation pacifique et jamais la violence ou la rébellion comme le voulait ou souhaitait la plupart des Juifs. D’ailleurs à cause de cette position pacifique ? Jésus ne sera pas vu comme un messie qu’attendent les Juifs, mais comme un aventurier dont on ignore les intensions.
L’attitude de Jésus envers les prostituées, les lépreux, les collecteurs d’impôts et ceux qui ne savaient rien de la loi prouve qu’il est pour la communion, l’amour sans distinction. Nous savons que c’est justement cette attitude compatissante et tendre qui manquait justement aux scribes et pharisiens et que les hommes de Dieu doivent cultiver. Remarquons que cette attitude de Jésus, son acte, est un geste politique sans nul doute. Savons-nous aussi avoir ce genre d’attitude pour réunir, réconcilier nos frères et sœurs que nous avons la charge ? Cette attitude de Jésus est très fondamentale pour réconcilier, dépasser la violence et annoncer la paix dans les sociétés actuelles.
Nous disons volontiers l’époque de Jésus. Mais entre l’époque de Jésus et notre époque il n’ y a pas de grande différence, cela veut bien dire que les problèmes, les défis sont les mêmes de nos jours que du temps de Jésus. La situation de l’homme, de la femme au temps de Jésus n’a pas tellement changé sinon elle est devenue pire.
  1. La mission de l’Eglise
La mission première qui est confiée à l’Eglise par le Seigneur est celle d’annoncer sa Bonne Nouvelle à tous les hommes et à toutes les femmes de la terre, de la planète. C’est donc une mission religieuse. Or il s’avère que cette mission consiste à œuvrer pour le salut des hommes. Il nous semble important d’attarder un peu sur la mission de l’église sur laquelle se greffe toute mission ou de laquelle découle la mission de tout chrétien et donc du prêtre. Evangéliser c’est s’engager dans l’action libératrice du Christ pour « annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année d’accueil par le Seigneur » (Lc 4, 18-19). « Sacrement de Jésus-Christ, l’église se consacre en toute situation à cette action libératrice de Jésus. Cela signifie que la mission évangélisatrice de l’église inclut, nécessairement comme partie intégrante, la solidarité avec les hommes et la participation à l’effort de ceux qui luttent pour atteindre à une libération plénière et au progrès en tout domaine : socio-économique, culturel et spirituel. Par mission, elle est consciente des sociétés humaines pour condamner le mal, dénoncer les projets pervers et les structures injustes. Consciente de la valeur infinie de la personne humaine, l’Eglise doit concentrer son effort sur le changement des esprits et des cœurs ainsi que des conditions de vie. Elle doit s’efforcer d’humaniser les modes d’existence, de travail, de relation et les libérer des conséquences du péché, que sont les structures injustes, les forces d’oppressions, les aliénations de toute sorte » (SCEAM, Eglise et promotion humaine, n.46)
  1. La mission ou le rôle du prêtre
Mais la mission du prêtre est la mission de l’église est la mission est celle du Christ. Mais avant de dire quelle est la mission du prêtre ou le rôle que celui-ci joue, nous pensons opportun de dire d’abord qu’est-ce qu’un prêtre catholique, peut être par là nous aurions déjà répondu à la question.
Qu’est-ce qu’un prêtre catholique aujourd’hui ?

Aujourd’hui encore, des hommes s’engagent à la suite du Christ en devenant prêtre. C’est un engagement merveilleux, un don de soi, par amour de Dieu et des hommes. On perçoit le prêtre comme un célibataire, un homme très occupé, etc. Mais au fond, qu’est-ce qu’un prêtre ? Pourquoi, depuis 2000 ans des hommes quittent tout pour suivre Jésus dans cette belle vocation ? Aujourd’hui plus que jamais, les hommes ont soif de connaître le Christ et d’être aimé par lui. C’est la mission du prêtre : un homme passionné, appelé, et donné.

Un homme appelé

Le prêtre est un homme appelé : c’est-à-dire choisi par le Christ lui-même pour le service de l’Eglise. Cet appel (ou vocation) est double. D’une part, cet appel est une aspiration personnelle à servir le Christ et les hommes, qui grandit et s’affermit par la prière, lieu privilégié du dialogue avec Dieu. D’autre part, cet appel est celui de l’Eglise qui, par la voix d’un ami, parent, prêtre et ultimement par l’évêque, authentifie l’aspiration intérieure. On est définitivement sûr d’avoir la vocation par l’ordination sacerdotale. En fait, le prêtre reçoit sa vocation et il choisit simplement d’y répondre.
Saint Paul compare le ministre (serviteur) de l’Eglise à un intendant : "Qu’on nous regarde donc comme des serviteurs du Christ et des intendants des mystères de Dieu. Or, ce qu’en fin de compte on demande à des intendants, c’est que chacun soit trouvé fidèle"
(1 Co 4, 1-2) L’intendant est chargé de gérer les biens d’une autre personne, sans en être propriétaire. "C’est ainsi que le prêtre reçoit du Christ les biens du salut, pour les distribuer comme il convient aux personnes à qui il est envoyé. Il s’agit des biens de la foi. Le prêtre est donc l’homme du "mystère de la foi". Personne ne peut se considérer comme le "propriétaire" de ces biens. Nous en sommes tous les bénéficiaires. Donc, en vertu de ce que le Christ a institué, le prêtre a le devoir d’en être l’intendant."
(Jean-Paul II, Ma vocation, don et mystère, chap. 8, Ed. Téqui, 1996)

Un homme passionné

Le prêtre est avant tout un passionné de Dieu et des hommes.
Passionné de Dieu, car il a fait l’expérience personnelle de l’amour du Christ pour lui et souhaite la partager aux hommes. Il a découvert que Jésus est bel et bien vivant dans sa vie, aujourd’hui. Il est le Fils de Dieu fait homme, venu sur nos chemins, pour dire l’amour de son Père pour le monde. Aujourd’hui, l’homme appelé par Dieu à prendre part au sacerdoce du Christ, n’est pas meilleur que les autres. Il a toute sa vie pour approfondir le mystère de sa vocation. Bref, le prêtre soutenu par ses frères et ses sœurs dans la foi, se met en route chaque jour à la suite de Jésus-Christ, qui a donné sa vie pour que nous ayons la vie éternelle.
Passionné de Dieu, le prêtre est passionné des hommes. Comme prêtre, il continue d’appartenir à un peuple, à une culture, à une histoire. Le prêtre comprend et rejoint les hommes de son temps. "Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi [ceux] des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur." (Concile Vatican II, Constitution sur l’Eglise dans le monde de ce temps, n°1)
Le prêtre vit au cœur du monde sans vivre comme le monde, car il appartient à Dieu pour continuer la mission du Christ Sauveur et Miséricordieux pour les pécheurs. Etre passionné des hommes, cela signifie vouloir leur bonheur, leur paix, leur joie, non seulement pour la vie sur cette terre, mais pour la vie éternelle donnée par le Christ. Cette mission fait de lui un pasteur, à l’image du Christ, qui mène les brebis qui lui sont confiées, vers le Ciel, la maison du Père. Il connaît ses brebis, les conduit, prend soin d’elles, les nourrit ... Il va chercher la brebis perdue et il est prêt à donner sa vie pour elle.
Enfin, le prêtre est passionné de l’Eglise. Le Christ est l’époux de l’Eglise, Il l’a aimée et s’est livré pour elle. Dans son sacerdoce, le prêtre se livre tout entier aussi, jusque dans le célibat, qui signifie le don radical de soi-même, jusque dans son corps à Dieu et aux hommes.

Un homme donné

Le prêtre est un homme donné par amour et pour le service. Il ressemble au Christ Tête du Corps son Eglise, c’est-à-dire qu’il est ordonné pour le service de l’Eglise. Son autorité dans la hiérarchie de l’Eglise est celle du serviteur : une autorité d’amour et de service : "Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous." (Marc 9, 35) nous dit Jésus. Au cours de son dernier repas avec ses disciples, le Christ nous donne aussi l’exemple du lavement des pieds. Le Christ est le premier à se donner pour nous entraîner à sa suite. A la suite du Christ serviteur, le prêtre est le premier à se donner pour que tous puissent se donner avec lui, à Dieu. En ce sens, le prêtre est un homme donné aux autres et à Dieu.
Donné, c’est-à-dire appartenant au Christ, il peut à son tour le donner au monde. Comment ? Il donne Jésus au travers des sacrements, où il agit au nom du Christ, en la personne du Christ. Il donne Jésus quand il annonce sa Parole, quand il rend visite aux personnes souffrantes, aux plus pauvres. Mais on ne peut donner que ce qu’on a reçu. Le prêtre vit de cette intimité avec Jésus, dans une relation de cœur à cœur, qu’il trouve dans la prière, dans la célébration de l’Eucharistie, et aussi dans la confession, dans laquelle il se reconnaît pécheur, limité, et où il accueille pour lui la miséricorde du Seigneur.
Enfin, dans le prêtre ordonné par l’Eglise pour les hommes, c’est Jésus qui se donne et qui donne en lui. Le prêtre n’imite pas le Christ, mais par grâce, il devient un autre Christ. Dans tout ce qu’il est et dans tout ce qu’il fait, le Christ est présent.
Il est "avec lui, par lui et en lui", pour répandre l’amour de Dieu qui sauve le monde.
De ce fait, de cette définition large et théologique du prêtre va découler sa mission qui d’ailleurs le caractérise.
En fin, revenons en, quelle est la mission du prêtre dans la société ?
La mission du prêtre est la mission du Christ. Cette mission prend sa source dans ce passage fondateur : « L’Esprit du seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du seigneur. » (cf. Lc 4, 18-19). Que cela dire ? Cela veut dire que le prêtre par sa consécration, il est appelé à œuvrer pour la cause des pauvres et des opprimés. Son évangélisation, son annonce, son homélie, ses actions pastorales doivent viser le bien être de l’homme et de la femme, objet direct de son évangélisation. En cela le prêtre qui fait la politique pour soutenir la cause de la justice et de la paix doit être en même indépendant de l’action politique directe qui le compromettrait. C’est pourquoi il ne faut pas qu’il accepte de diriger un parti politique ou d’être membre d’un quelconque parti. Et s’il lui arrivait d’accepter une suppléance il faudrait que cela soit bien limité dans le temps. Nous avons eu des cas dans les conférences nationales souveraines où l’église, par ses prélats, a accepté de présider dans certains pays comme le Bénin (Mgr Isidore de Souza), le Congo (Mgr Ernest Kombo), le Togo (Mgr Philippe Kpodzro), le Gabon (Mgr Basile Mve), la République Démocratique du Congo (Mgr Laurent Monsengwo) ; et nous avons faillir en avoir ici au Tchad en 1993 avec Mgr Edmond Jitaangar. Ces évêques après leur service prêté ils ont regagné leur mission, leur diocèse.
Mais il peut arriver qu’un prêtre décide de devenir président, député ou maire mais dans ce cas on lui retira le droit de servir la messe et les autres sacrements.

En somme, nous pouvons dire que faire la politique, c’est aussi donner son appui à ce qui se fait de positif pour le bien être des gens dans son pays, dans son village, dans quartier, là où l'on vit, car tout n’est pas négatif dans les projets et actions de nos gouvernants. Citons par exemple l’action du chef de l’Etat qui a tenu à sa parole en accordant aux malades les soins gratuits avec les Antis-re troviros contre le SIDA, les constructions des écoles et hôpitaux et le bitumage des routes. Même si la population attend plus, il faut cependant reconnaître et être reconnaissant que ce sont actes louables.
Faire de la politique c’est aussi proposer soi-même des choix innovateurs et courageux qui peuvent aider à changer des structures injustes et oppressives.
Et là, l’Eglise catholique au Tchad par la voix des ses prélats, les évêques, chaque année à travers leur message de Noël aux chrétiens et aux hommes de bonne volonté ne manquent pas l'occasion d'interpeler l'Etat, le gouvernement sur ses devoirs.
Alors s’il y a une politique que le prêtre devrait faire et qu’il le fait c’est celle d’éveiller les consciences.
En fin, entendons bien, sur la signification ou l’interprétation du mot : aujourd’hui, la politique que le prêtre tchadien serait appelé à faire c’est la POLITIQUE  et non la politique partisane, au sens tchadien du terme. Car l’évangile et l’Eglise ne lui interdisent pas de faire cette Politique, celle qui consiste à former les consciences, à protester contre ce qui opprime, ce qui offense, ce qui humilie, ce qui dégrade ou ce qui défigure l’homme et la femme créés à l’image de Dieu. La politique du prêtre comme de tout chrétien et toute chrétienne tire donc son origine de cette mission de Jésus de Nazareth, Fils de Dieu : « L’esprit du Seigneur est sur moi pour porter la bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur » (Lc 4, 18)

P. NGORE GALI Célestin, mccj

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