vendredi 21 janvier 2011

LA TRADITION ET LA MODERNITE A L’HEURE ACTUELLE

LA TRADITION ET LA MODERNITE A L’HEURE ACTUELLE[i]

“La famille chrétienne entre modernité et tradition”


Notre réflexion sur la tradition et la modernité veut prétendre souligner les relations bilatérales amicales et/ou conflictuelles qui peuvent exister entre les deux époques et où souvent les personnes sont les sujets répondant ou agissant.
Mais nous sommes arrivés à une époque où nous sommes obligés de dialoguer, de réfléchir, de nous interroger sur certains aspects de nos coutumes, de notre tradition qui jadis étaient incontestables et indiscutables. Des sujets tabous.
 La modernité, le modernisme ou la démocratie nous obligent à marcher au rythme sinon nous serons signalés d’être en hors-jeu, comme on le dit dans le langage de football.
 A plus forte raison, le Christ nous dit de ne pas raccommoder le tissu neuf sur du vieux sinon le neuf tire sur le vieux et ce dernier se déchire. Ou bien de ne pas garder du vin nouveau dans des vieilles outres sinon sous l’effet de la fermentation feront  éclater les outres.
Nous allons essayer de repérer ou de récapituler les aspects positifs de la tradition et la modernité d’une part et les aspects négatifs de la tradition et de la modernité d’autre part. Ensuite nous synthétiserons les aspects positifs de la tradition et de la modernité pouvant nous aider à vivre mieux dans la société actuelle qui est la nôtre.

LES ASPECTS POSITIFS DE LA TRADITION ET DE LA MODERNITE


Les aspects positifs de la tradition


Chez nous au Tchad, du moins chez les peuples Sara du sud, quand on parle de la tradition on voit tout de suite l’initiation traditionnelle qui est la forme la plus visible de la tradition, semble-t-il. En effet l’initiation, elle seule est restée longtemps le prototype des us et coutumes, le déterminisme de la tradition. Peu importe pour nous pour cette réflexion, que l’initiation soit considérée comme telle,  à tort ou à raison ; quand bien même  nous savons bien que l’initiation n’existe pas chez toutes les ethnies du sud.

L’initiation est un rite de passage de l’âge adolescent à l’âge adulte. C’est une étape très importante et essentielle de l’intégration de l’individu dans la société. De par sa définition elle était obligatoire et nécessaire pour un individu d’avoir place et parole dans la société. Certes elle comporte d’épreuves physiques, morales et spirituelles dures qui la caractérisent. Mais ces épreuves sont pour instaurer, pour façonner, former et non pour  réduire la personne  au néant. Ainsi donc à travers ces épreuves on inculque aux jeunes initiés les valeurs culturelles à savoir l’endurance, la discrétion ou la confidence, le courage, la solidarité, l’amour du prochain, le respect de l’autre et surtout le respect du droit d’aînesse, l’amour du foyer et de la famille, la patience, le savoir-faire, le bon sens.  A cet effet, l’initiation traditionnelle se définit plutôt comme une école où on forme et prépare l’homme pour la vie adulte et responsable.
C’est pourquoi nous pouvons remarquer qu’il y a trois phases dans l’initiation : la séparation de la communauté ou famille, la vie isolée ou en marge et la réintégration dans la société. Ces phases fonctionnent comme une métaphore de la mort et du retour à la vie ; comme on dira du candidat au baptême qu’il meurt dans son vieil homme pour ressusciter avec le Christ ou revêtir l’homme nouveau. Nous avons dans l’initiation traditionnelle et l’initiation de baptême les mêmes rites qui ont presque les mêmes les sens et portées.
Un homme initié devrait être un homme responsable qui serait potentiellement capable d’affronter n’importe quelle difficulté de la vie. Parce que sa formation initiatique suppose  lui offrir les outils nécessaires pour se battre dans la vie sans compter sur qui que ce soit et sans se plaindre.
 Fort de ces valeurs et de son objective, la société ne confiait pas la chefferie ou certaines responsabilités importantes à celui qui n’est pas initié. Nous pouvons aussi par ailleurs remarquer qu’un homme non initié est assimilé à la femme et à l’enfant et en revanche un enfant initié est élevé au rang des adultes et il a droit aux votes et à prendre librement  la parole aux rencontres publiques du village.
Cependant les valeurs initiatiques tant exaltées autrefois sont aujourd’hui bafouées à cause des abus ou déviations des détenteurs de cette « école ». Ce qui pourrait pour nous une opportunité à en profiter pour corriger les erreurs de cette pratique ancestrale. Les critiques ou la correction se ferait donc grâce à la modernité et à la lumière de l’Evangile que nous avons choisi  comme une nouvelle culture, une nouvelle manière de vie et de vivre en société.
En famille, par exemple, le dialogue avec le chef de famille qui s’avère être toujours l’homme, pourrait se faire avec la maman et  les enfants : discuter les activités familiales, les projets familiaux comme le voyage, le mariage ou la dot, les travaux champêtres, les fêtes, l’éducation ou la scolarité, etc. Aujourd’hui on ne verrait pas acceptable et peu démocratique que le papa s’impose comme masculin ou pire comme machiste régner comme chef absolu de la famille.
Dans une ambiance et espace de type traditionaliste et intégriste on pourrait tolérer ce genre de comportement de nos jours il obsolète de voir quelqu’un imposer ses points de vue aux autres. Vous pouvez le faire une fois, deux fois mais à la prochaine fois on vous dira non, on vous humiliera, on vous désobéira même en public. Un père de famille responsable qui se fait respecté est celui-là qui-là qui convoque toujours la famille pour discuter, partager ses points de vue sur certaines choses et par après prendre sa décision.
Le phénomène de « l’enfant bouvier » que nous avons connu ou que nous connaissons illustre bien le poids négatif du papa de la famille, qui souvent malheureusement, se permet de tout jusqu’à vendre son enfant pour raison d’argent. Le droit de l’enfant se trouve à cet effet bafoué. Cependant, rappelons que le Tchad a ratifié le 20 juillet 1990 la Convention Relative aux Droits de l’Enfant adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies.
Ces droits garantis par la convention sont : les droits civils ; les droits politiques
 (Liberté d’opinion, liberté d’expression, liberté de religion et de conscience) ; les droits économiques, les droits sociaux (le droit à l’éducation sur la base de l’égalité de chance, de la gratuité de l’enseignement primaire obligatoire. L’enseignement dispensé à l’enfant doit viser à favoriser son épanouissement, à lui inculquer le respect des droits de l’homme et des principes consacrés dans la Charte des Nations Unies, le droit à la santé, le droit à la sécurité sociale) ; les droits culturels (droit aux loisirs, au jeu et aux activités culturelles et artistiques). Alors peut oser, je ne sais quoi, au nom de la tradition bafouer ces droits ? Nul n’a le droit d’être au-dessus de la loi.

Les aspects positifs de la modernité


La modernité dans notre cas, au Tchad, est venue ou est connue avec l’avènement de la colonisation et ensuite avec les années de l’indépendance. Ce qui signifie que nous comptons seulement cinquante ans de modernité. Cinquante ans sont insuffisants pour connaître, assimiler, changer quand il s’agit d’un peuple, de la mentalité d’un peuple. Mais aussi faudrait-il reconnaître que la modernité s’est imposé à nous ou plus continue de s’imposer. La modernité s’identifie avant tout pour nous à l’école coloniale ensuite par les structures économiques et sociales notamment le commerce, les articles manufacturés, les engins roulants, les hôpitaux, les routes, l’argent, etc.
Nous sommes tous d’accords, à l’instar de tous les Africains, que la colonisation ou les Occidentaux (les Blancs) ont apporté des changements positifs dans ces structures précitées.
L’école à elle seule résume toutes ces choses apportées par les Occidentaux. Avec l’école ou l’éducation nous pouvons arriver à comprendre et posséder tout ce dont nous avons besoin et pouvoir vivre mieux. L’école nous instruit, nous libère de l’ignorance et nous ouvert l’esprit. L’école devient importante ipso facto parce que avec l’école est un instrument par lequel l’individu acquiert ses droits, bref  sa Liberté.

LES ASPECTS NEGATIFS DE LA TRADITION ET DE LA MODERNITE


Les aspects négatifs de la tradition


Malheureusement de nos jours ce sont souvent les aspects négatifs de la tradition qu’on regarde sans pour autant faire un effort de lui reconnaître d’abord ses valeurs, ses aspects positifs qui sont sa raison d’être, nous disons cela, sans chercher aucunement à être le défenseur des bassesses de l’initiation telles que d’ailleurs nous les déplorons. Tout compte fait, on assiste de nos jours à un laisser-aller, à des déviations, à des abus ou à une manière de travestir les valeurs initiatives que nos ancêtres nous ont laissées comme héritage.

Il semble plutôt que l’initiation traditionnelle est devenue une occasion et un lieu de règlement de compte dans la violence la plus absolue et imaginable. L’initiation est plus qu’à jamais un système phallocrate et misogyne où la femme est exploitée, dominée, soumise ou aux limites de l’esclavage. Par ailleurs on ne peut pas obliger quelqu’un de nos jours à aller à l’initiation ou à y envoyer ses enfants sans que lui-même en consente et décide. Nous n’avons pas droit et l’Etat tchadien ne veut pas et ne peut pas nous permettre maintenant d’ouvrir nos camps initiatiques à l’heure de l’école moderne même si nous avons nos raisons elles ne peuvent pas prévaloir sur les raisons d’Etat. Quand l’initiation refuse ou  promulgue le non-respect de la femme qui est l’égale de l’homme selon la loi divine et quand elle ne respecte la vie humaine qui est un des droits fondamentaux de l’homme. Quand l’initiation ne respecte pas le calendrier de l’école moderne alors on commencera à douter de ses valeurs au risque de lui retirer la licence. L’initiation, les coutumes ne doivent pas être un frein, un obstacle au développement intégral de l’homme. La tradition de tout le respect qu’on peut avoir pour elle ne peut pas attenter à la vie de l’homme en quelque manière que ce soit.

Si aujourd’hui nous parlons en termes de poids de la tradition cela veut bien signifier quelque chose d’anormal, d’injuste. Oui la tradition devient un poids dans le sens où elle ne permet pas à la personne humaine de s’épanouir, de se libérer. Si nous observons et si nous avons vraiment un esprit critique nous allons constater que dans la plupart des cas notre tradition, nos coutumes sont un obstacle au développement intégral de l’homme et de la société. Comment faire renverser cette donne je voulais dire comment faire pour que nos coutumes ou notre tradition soient des  lieux propices pour le développement intégral de l’homme ?

Les aspects négatifs de la modernité


C’est manqué d’objectivité et de sincérité que de dire que la modernité n’a pas d’aspects négatifs quand bien même nous savons porte plus de bonnes choses. Parmi les aspects négatifs de la modernité nous pouvons citer le déracinement des jeunes ou même de certains adultes à leur culture, le snobisme aveugle ou suivisme, le manque de respect aux aînés(le respect dans le bon terme  c’est-à-dire quand la personne la mérite). La modernité dans ensemble prône l’égalité totale, l’individualisme, l’égoïsme. Ces aspects sont négatifs.

QUAND TRADITION ET MODERNITE S’EMBRASSENT ET SE MARIENT


L’accolade et le mariage de la tradition avec l’initiation traditionnelle et de la modernité avec l’école moderne n’est pas un rêve ni un simple souhait mais c’est déjà une réalité. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas  jurer de ne pas avoir  profité de la modernité ni jurer d’avoir rien de tradition. Tous nous sommes le fruit sinon la synthèse de la tradition et de la modernité bon gré mal gré.
La tradition doit contribuer au plein épanouissement de l’homme et de la femme en tout ce que celui-ci ou celle-ci entreprend.
« Tant que nous serons résignés rien pourra changer. Il reste en moi l’espoir de croire en cette force appelée peuple avec laquelle et pour laquelle combattre pour changer et choisir sa destinée. Car le jumeau de l’espoir se nomme engagement » Thomas Sankara (Président du Burkina Faso de 1983 à 1987).

LA MODERNITE AVEC LE CHRIST


La modernité du chrétien c’est la nouveauté du Christ, de son évangile. Le Christ est le modèle du chrétien et rien ne peut le distraire ni le détourner de Lui.
Nous sommes appelés à amener nos coutumes ou notre tradition à la lumière du Christ qui nous les rendra parfaites. « N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi et les prophètes : je ne suis pas abolir mais accomplir ». Mt 5, 17 
Nous avons besoin de casser avec la mauvaise tradition, celle qui nous empêche d’aller vers le Christ sinon vains seront nos efforts« Et voici qu’un homme s’approcha et lui dit : ‘ Maître que dois-je faire pour obtenir la vie éternelle ?’... Jésus lui déclare : ‘Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux ; puis viens, suis-moi.’ » Mt 19, 16-22  (pour votre méditation cf .Mc 10, 17-22 ; Lc 18, 18-23)





[i] Réflexion faite aux catéchistes de base de la Paroisse de Saint Michel de Bodo(diocèsde de Doba) en mars 2008

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