La signification anthropologique et chrétienne de la mort
Le Christ ressuscité |
La conception anthropologique tchadienne de la mort tire sa spécificité de la conception générale et commune de l'Afrique. Cette conception s'exprime à travers plusieurs manifestations et langages nécrologiques. L'homme tchadien ou mieux l’homme sara enraciné dans sa culture appelle difficilement la mort par son nom c'est à dire. De plus, certaines situations Sociales difficiles el dramatiques sont assimilées à la mort. Quand quelqu'un souffre d'une haine, d’une hostilité de la faim, d'une maladie incurable, d'une injustice, on dit qu’il est « mort » comme pour signifier sa situation qui n'est pas digne de sa nature.
La mort est considérée comme la sœur jumelle de la vie, comme le revers d'une médaille. La mort et la vie cohabitent sous le même toi. La mort ne se définit donc pas par opposition à la vie mais plutôt un terme comme complémentaire. La mort répond à la fois aux concepts de rupture et de continuité. Elle est un lien, une transition de relier le monde des vivants au monde.
Langage sur la mort. C'est une litanie où chacun mène une certaine conversation avec le mort mais en réalité c'est un monologue Qui consiste à interpeller le défunt, lui poser quelques questions sur la cause de sa mort. Souvent, ce sont les femmes el les enfants qui commencent ce langage que nous pouvons appeler un dialogue de sourds. Le langage autour de la mort est ambigu et parfois préjudiciable. La recherche des causes de la mort inattendue d'un jeune, d'un adulte en pleine vitalité va définir les différents rites funéraires. Les rites funéraires sont célébrés selon les cas, les circonstances el les causes présumées de la mort du défunt ou de la défunte. Car les causes officielles ne seront connues qu'après l'enterrement.
Relation avec le défunt. Birago Diop, le poète sénégalais nous le souligne bien dans sa poésie
« Souffles » :
« … Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :
Ils sont dans l’Ombre qui s'éclaire
El dans l’ombre qui s’épaissit.
Les morts ne sont pas sous la Terre '
Ils sont dans /'Arbre qui frémit,
Ils sont dans le Bois qui gémit,
Ils sont dans l’Eau qui coule,
Ils sont dans l’Eau qui dort,
Ils sont dans la Case,
Ils sont dans la Foule : Les Morts ne sont pas morts... »
(BIRAGO DIOP, “Souffles”, in Fernad Nathan, Littérature africaine Birago Diop textes commentés, Roger Mercier et M.ET S Battesni Paris, Berger-Levrault, 1971)
Cimitière commun des musulmans et chrétiens au Sénégal |
La conception de la survivance de l’homme après la mort chez un sara tient son raisonnement du fait que l'homme est composé d'un corps el d'une âme. Pendant la vie terrestre de l’homme, l’âme est prisonnière du corps el elle ne sera libre, libérée que quand le corps va se retirer (mourir). La mort du corps devient la vie de l’âme. La mort est toujours marquée par la séparation du corps et de l’âme. Celle-ci peut être contraint de quitter un corps sain, dans laquelle elle aimerait séjourner encore, ou bien celui-là peut être au détérioré, blessé, amputé, ce qui justifie l’éloignement de l’âme qui abandonne alors volontairement le corps.
L'âme libérée va rejoindre les ancêtres mais elle va être constamment avec les vivants en leur prodiguant conseils el en les protégeant de tout danger. La relation qui existe maintenant est la relation d'intermédiaire que joue le défunt entre Dieu et les siens sur la terre. Le défunt intercédera pour plusieurs raisons el en faveur de causes de famille terrestre. Cela reste une croyance vivante jusqu'à nos jours. Il n'est pas rare de voir les enfants en moindre difficulté, orphelins surtout, invoquer leur(s) parent(s) défunt(s). La relation des vivants avec le défunt se fait aussi à travers la nourriture qu'on apporte à la place mortuaire pour l’offrir au mort : La communion aux ancêtres fidèles est une croyance populaire de tous les temps qui est au cœur des religions traditionnelles africaines.
La conception chrétienne de la mort. Nulle religion, nulle personne au monde n'ignore combien la souffrance el la mort constituent les deux réalités de l'existence humaine. Nul ne peut échapper á la mort ; on peut tenter de l'éviter, de l'écarter, de l'éloigner le plus que possible mais elle finira toujours par arriver. La mort est une condition inéluctable à l'homme et tous les hommes et toutes les femmes passent par la porte de la mort. Peu importe le temps, le lieu, la manière de mourir. Aucune âme n'est brave quand la mort sonne à sa porte. Cette condition innée de l’existence humaine, le Christ Jésus qui était vrai Dieu et vrai homme, excepté dans le péché, l'avait partagé avec les hommes, ses semblables pendant son passage sur la terre.
Le Christ dit à son amie Marthe, attristée et confuse devant la mort incompréhensible de son frère Lazare: « Je suis la résurrection ; qui croit en moi fut-il mort, vivra, er quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (Jn 11, 25-26). Et saint Paul écrivait aux Corinthiens : « S'il n'y a pas de résurrection des morts. Le Christ non plus n'est pas ressuscité. Mais si le Christ n’est pas ressuscité, alors notre prédication est vide, vide aussi notre foi » (1 Co 15, 13). La résurrection est l'épicentre et la base de la foi chrétienne. La résurrection du Christ est un triomphe sur la mort, constitue les prémices de la résurrection de tous en Christ. Ainsi le chrétien et l'Eglise catholique ne considèrent pas la mort comme une fin en soi. Avec la mort la vie n'est pas détruite mais elle est plutôt transformée. C'est profondément un acte de foi. Des études récentes sur la Religion Traditionnelle Africaine ont démontré qu'il existe, chez l'homme africain traditionnel une spiritualité très profonde et très riche. L’Africain non seulement croit en un Etre suprême, mais il exprime aussi cette croyance à travers des attitudes et des pratiques religieuses. Ainsi complétées et purifiées par la lumière de l’Evangile, la conception de la vie et de la mort, la vénération des ancêtres et la croyance dans l’au-delà peuvent enrichir la spiritualité chrétienne et rendre plus compréhensible á l'homme africain certains aspects du mystère de salut.
Même si la religion africaine croit à la vie après la mort, elle révèle toutefois quelques ambigüités par rapport à la foi catholique et par rapport à elle-même principalement dans la recherche acharnée des causes de la mort. Aussi faudrait-t-il ajouter la question de la réincarnation. Il serait cependant opportun et pertinent de saisir cette occasion pour éclairer et purifier ces éléments de la culture tchadienne par la lumière de l'Evangile.
« La mort met fin à la vie de l’homme comme temps ouvert à l’accueil ou au rejet de la grâce divine manifestée dans le Christ (cf. 2 Tm 1, 9-10). Le Nouveau Testament parle du jugement principalement dans la perspective de la rencontre finale avec le Christ dans son second avènement, mais il affirme aussi à plusieurs reprises la rétribution immédiate après la mort de chacun en fonction de ses œuvres et de sa foi. La parabole du pauvre Lazare (cf. Lc 16, 22) et la parole du Christ en Croix au bon larron (cf. Lc 23, 43), ainsi que d’autres textes du Nouveau Testament (cf. 2 Co 5, 8 ; Ph 1, 23 ; He 9, 27 ; 12, 23) parlent d’une destinée ultime de l’âme (cf. Mt 16, 26) qui peut être différente pour les unes et pour les autres.
Chaque homme reçoit dans son âme immortelle sa rétribution éternelle dès sa mort en un jugement particulier qui réfère sa vie au Christ, soit à travers une purification (cf. Cc. Lyon : DS 857-858 ; Cc. Florence : DS 1304-1306 ; Cc. Trente : DS 1820), soit pour entrer immédiatement dans la béatitude du ciel (cf. Benoît XII : DS 1000-1001 ; Jean XXII : DS 990), soit pour se damner immédiatement pour toujours (cf. Benoît XII : DS 1002). Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour (S. Jean de la Croix, dichos 64) (Catéchisme de l’Eglise Catholique, Nº 1021-1022)
Cimitìere Notre Dame de Almudena de Madrid-Espagne- Un des plus grands de Europe, 120 hectares. Commencé 1884 |
Les chrétiens tchadiens peuvent s'appuyer sur leur croyance ancestrale dans L’au-delà pour venir présenter par exemple les noms de leurs ancêtres te jour ou l’église fête « Les fidèles défunts » (célébrée le 02 novembre) ou bien pendant la messe du présent défunt. Ces prières peuvent être accompagnées par des symboles comme les images, les photos des défunts ou ancêtres.
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